Notre communauté doit grandir

Il y a quelques temps, quelqu'un écrivait que notre communauté était malade, notamment à cause du sexisme ambiant.

Le problème étant que la communauté du libre et de l'open-source n'est pas seulement vérolée par le sexisme ou le racisme ou toute autre forme de rejet de l'autre, elle manque "juste" de maturité.

En effet, dans tous les événements, et ça a été le cas au FOSDEM, les organisateurs essaient de mettre en place une politique de non-harcèlement et de non-agression, incitant les participants à signaler toute forme harcèlement. Côté pile, toute la communauté vous dira qu'elle rejette les discriminations, qu'elle se veut inclusive, qu'elle souhaite s'agrandir, s'ouvrir aux non-techniciens et attirer à elle les personnes qui n'y sont pas encore comme les femmes.

Côté face, on retrouve toujours les mêmes personnes et les mêmes types de personnes :ceux qui sont devenus de petites stars qui souhaitent protéger leur pré-carré, sans jamais se remettre en question, qui font la morale à coups de billets de blog et de conférences inclusives mais qui sont les premiers à basher quand on est débutant ou quand on essaie d'aider les débutants, ceux qui se disent ouverts et tolérants mais qui sont les premiers à jeter l’opprobre sur qui contesterait leurs argumentations. Rien de nouveau sous le soleil en somme.

Mais, en même temps, la communauté du libre et de l'open-source souhaite gagner en légitimité, en respect, non pas au sein de l'open-source et du libre mais au sein de l'informatique et tout simplement au sein de la société civile.

D'un côté, une volonté clairement affichée de ne pas tenir compte de l'extérieur et continuer ainsi et de l'autre, celle d'être écoutée et respectée.

Pourtant, l'immaturité est largement encouragée, à coups de blagues potaches, de petits harcèlements continus, de beuveries et de façon générale, d'attitudes d'adolescents attardés.

Loin d'être combattue, ces attitudes sont au contraire largement encouragées, au nom d'une pseudo-indépendance, qui clamerait au monde entier que nous sommes différents et que les règles sociales ne s'appliquent pas à nous, en raison d'un génie supposé. Mais s'il y a quelques années, la maîtrise de l'outil informatique, la connaissance de l'open-source et du logiciel libre étaient effectivement quelque chose de rare, aujourd'hui cela est de moins en moins vrai. Arrivent des jeunes qui sont meilleurs que leurs aînés, qui conscients de leurs lacunes, sont humbles et posent des questions et qui seront meilleurs que nous.

Il est temps pour nous de grandir et grandir, cela veut aussi dire accepter de ne pas tout savoir, de ne pas systématiquement faire preuve d'irrespect envers les autres et de se remettre en question.

Comment peut-on reprocher aux autres de ne pas faire leurs examens de conscience si nous-mêmes nous n'acceptons pas la critique ? Comment pouvons-nous être pris au sérieux par certaines entités si tout ce que nous avons comme argumentation, ce sont des stickers, des LOL et autres déclarations tonitruantes comme "la liberté c'est bien" ? L'amusement ne doit pas être notre seul argumentaire.

Personne ne dit que l'exercice est facile, au contraire, il est souvent très douloureux : pas évident de se regarder dans une glace et de se dire "j'ai merdé, nous avons merdé".

Pourtant, nous devrions le faire. Pour nous, en tant qu'individu, pour, nous en tant que communauté. Pour notre survie.

Lors du FOSDEM, un avocat expliquait que pour gagner la cryptowar, ce n'était pas nécessairement de connaissances supplémentaires dont nous avions besoin, mais bien d'évangélisation, d'inclusion et de dialogue. Elevons-nous au-dessus de la masse pour être entendue et pour y arriver, nous devons faire le bilan : ce que nous avons réussi, pourquoi nous avons réussi, ce que nous avons raté et pourquoi nous nous sommes plantés.

Concrètement, cela veut dire que si nous perdons sur le terrain de la politique et du politique, nous devons dialoguer avec les politiques pour comprendre pourquoi. Si nous perdons notre bataille dans les médias, nous devons comprendre pourquoi et si nous n'arrivons pas à attirer à nous autre chose que des hommes blancs, issus de la classe moyenne et hétérosexuels, dans la majorité des cas, nous devons nous demander pourquoi et corriger le tir.

Enfin, nous devons aussi faire le ménage dans notre propre communauté. Il est toujours très amusant de constater que les mêmes personnes qui s’indignent des excès de certains membres de la communauté, restent courageusement silencieuses quand il s'agit de prendre ouvertement position et de condamner fermement.

Il est vrai que faire preuve de cohérence peut être difficile pour certain(e)s.

Le mot de la fin : la seule façon pour la communauté de grandir, c'est de travailler. Moins de LOL, plus de boulot, plus de documentation, plus d'évangélisation, plus de pédagogie, plus d'engagement militant et pas uniquement en se contentant de s'indigner sur Twitter, bien calé au fond de son canapé mais en aidant son voisin.

Tout mon respect pour celles et ceux qui vont aider dans des zones difficiles et qui savent, eux, ce que ça veut dire, se battre pour ses droits les plus élémentaires.

Commentaires

C'est vrai que quand je suis venu pour la première fois au FOSDEM le 31/01 et 01/02 dernier, j'étais un peu partagé, peut-être un peu moins coup de gueule que toi, comme je viens juste de découvrir la "communauté physique".

"Pourtant, l'immaturité est largement encouragée, à coups de blagues potaches, de petits harcèlements continus, de beuveries et de façon générale, d'attitudes d'adolescents attardés.". Je ne suis pas allé au Friday Beer event, je ne peux donc pas dire. Je me suis senti en tout cas assez étranger au côté punk du FOSDEM.

"Évangélisation, inclusion et dialogue." C'est vrai que le librisme a la fâcheuse tendance à se refermer sur lui-même ; je trouve que l'open source prôné par Eric S. Raymond est plus corporate et demeure une avancée majeure, le meilleur compromis de l'innovation ouverte.

"Arrivent des jeunes qui sont meilleurs que leurs aînés, qui conscients de leurs lacunes, sont humbles et posent des questions et qui seront meilleurs que nous.".
Je ne pense pas être meilleur que mes aînés, j'ai en tout cas la conviction d'en avoir surpassé certains pour rentrer dans la communauté du logiciel libre et open source. J'ai encore beaucoup à apprendre. Et je le confirmerai quelque peu avec les certifications LPIC délivrées au FOSDEM, autres events, et centres Pearson VUE. Et ce qui va me passionner bientôt semble être CoreOS et Docker/Rocket ; en plus du webmarketing, qui est ma formation d'origine.

"Plus de boulot, plus de documentation, plus d'évangélisation, plus de pédagogie, plus d'engagement militant".

Je crois bien que Lionel Dricot (Ploum) avait dressé les causes de l'échec de l'émancipation du logiciel libre. Tu le fais à ta manière et je t'en remercie. C'est vrai que c'est un tout, j'ai déjà effectué ma dose de pédagogie et d'engagement militant, le boulot et l'évangélisation seront donc mes maîtres-mots.

"Comment pouvons-nous être pris au sérieux par certaines entités si tout ce que nous avons comme argumentation, ce sont des stickers, des LOL et autres déclarations tonitruantes comme "la liberté c'est bien" La République n'est pas une démocratie. Comment pouvons-nous donc revendiquer la liberté ? Le FOSS a de l'avenir non pas par son positionnement en tant que liberté intrinsèque par ses licenses, ses principes et ses délires tribaux pouvant cloisonner sa dimension universelle, mais en tant que liberté extrinsèque par ce qu'elle génère pour les Communs, comme par exemple, une solution open source robuste de crowdsourcing des lois qui renverserait le rôle du politique et effacerait le pouvoir en le donnant à tous les citoyens ; ou concrètement l'existant ownCloud qui a apporté un certain regard nouveau sur le Personal Data. Quant aux stickers et autres goodies, je n'en ai jamais été intéressé, je ne m'identifie pas excessivement aux marques, ni aux organisations communautaires mais à "l'empreinte de l'idéal" des solutions qu'elles apportent pour répondre aux problématiques du monde contemporain.

Je reste confiant dans la finalisation de l'intégration professionnelle et éthique de notre contre-culture à la société. Et pour ce qui est du "blanc moyen hétérosexuel", sans la vision européenne imprimée par le FOSDEM, bien d'autres configurations humaines s'y propulsent, et j'en suis tout à fait heureux !

Le coup de gueule, c'est mon côté vieille et sale conne :)

Disons que je fatigue un peu de cette absence de remise en question, en mode "tout va bien dans le meilleur des mondes". 

Je comprends que tu aies pu te sentir un peu étranger : moi-même, si je n'avais pas été accompagnée par des amis et n'en avait pas retrouvé certains sur place, je me serais sentie isolée, d'autant que les soirées beuveries ne sont pas mon truc.Je te rassure : contrairement à ce que l'on peut croire, la consommation d'alcool n'est jamais une obligation :)

Le côté punk est souvent faux : le vrai punk est en marge de la société or une bonne partie des gens de la communauté libre & open-source sont bien plus intégrés dans la société qu'ils ne l'admettent. 

Concernant la politique et le droit, il faut bien garder à l'esprit que ce sont des métiers, des formations, qui demandent du temps et parfois un peu de souffrance et qu'on ne peut pas légiférer pour la majorité en se contentant de mettre trois idées sur un bout de chaussettes. Il faut une vision très globale qui doit tenir compte des particularismes. Par ailleurs, comment parler de crowdsourcing des lois quand on sait que la majeure partie des personnes ne votent pas, qu'elles ne savent pas comment se passe un débat parlementaire, ne connaissent pas leurs propres institutions ? C'est très facile de légiférer pour un tout petit groupe, bien plus compliqué quand on est 66 millions. 

C'est d'ailleurs pour cela que les exemples de l'Islande et des pays Nordiques ne sont pas reproduisibles en France : nous sommes 10 fois plus nombreux que dans ces Etats avec 10 fois plus de difficultés au moins :)

Pur les goodies et les stocker, je ne les rejette pas en bloc. J'ai moi-même une collection de stickers assez importantes et quelques goodies. Je dis simplement qu'on ne doit pas se cantonner à cela. 

Quid de la contre-culture ? Peut-elle rester une contre-culture si elle est parfaitement intégrée dans la société ?

Je viens de vous regarder sur Xerfi et vous êtes absolument ravissante sans oublier la pertinence de vos propos.

"Disons que je fatigue un peu de cette absence de remise en question, en mode "tout va bien dans le meilleur des mondes".

Rassure-toi. Nous ne sommes pas tous des Pangloss. La destruction créatrice de Schumpeter fait son bout de chemin tout comme la flexisécurité dans ce néomonde de l'hyperspécialisation. Il faut bien le pays des Bisounours, des pandas roux et des manchots pygmées pour rêver. Ensuite, pour réaliser les rêves de la communauté libre et open source, nous pouvons commencer par porter élégamment un pin HeForShe et être l'ambassadeur du sourire d'Emma Watson.

"Je comprends que tu aies pu te sentir un peu étranger". Merci pour ces paroles bienveillantes qui confirment mon déplacement au FOSDEM l'année prochaine.

Sur le punk, j'acquiesce. Et merci pour la comparaison sur les pays nordiques. Et ok pour le non cantonnage aux stickers et goodies.

"Par ailleurs, comment parler de crowdsourcing des lois quand on sait que la majeure partie des personnes ne votent pas, qu'elles ne savent pas comment se passe un débat parlementaire, ne connaissent pas leurs propres institutions ? C'est très facile de légiférer pour un tout petit groupe, bien plus compliqué quand on est 66 millions.".
Le libre, c'est aussi se réapproprier la connaissance et la culture pour forger des expériences et œuvres nouvelles qui épanouissent les consciences collectives concrètes. Après le livre blanc sorti en 1993, "Croissance Compétitivité, Emploi : Les défis et les pistes pour entrer dans le xxie siècle", d'autres prospectivistes de la Commission Européennee ont publié en 2007 un rapport prenant au sérieux la Société de la Connaissance (Knowledge Society) propulsée par les créatifs culturels : http://ec.europa.eu/research/science-society/document_library/pdf_06/eur...
Il ne va pas sans dire qu'un certain européiste Marc Luyckx Ghisi évoque cette Knowledge Society comme étant de nature matriarcale. Rappelle-toi les paroles de Victor Hugo dans La Fonction du poète : "Homme, il est doux comme une femme". Bientôt, nous serons tous des poètes, et nous te dirons, Ô toi, Tris Acatrinei :
Comme le jour dépend de l'innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.

J'observe donc un certain enthousiasme sur le potentiel de révolution éducative qui est en marche, où nous passons de l'autodidactie à l'autoformation collective avec les *spaces (hackerspaces, makerspaces), les *labs (infolabs, fablabs), les MOOCs, les meetups, etc. Je crois à un possible soupçon de début de réalisation du crowdsourcing des lois par la technique politique du Foot-in-the-door (http://en.wikipedia.org/wiki/Foot-in-the-door_technique) dans les trente années à venir. Abradabra. Reste à préciser méticuleusement les étapes :'(

"Quid de la contre-culture ? Peut-elle rester une contre-culture si elle est parfaitement intégrée dans la société ?". Mes excuses Mylady. Erreur de réflexion de ma part. Merci de ce récapitulatif fort bienvenu. En effet, si nous nous référons à Seth Godin, nous sommes passés du Mass Marketing au Tribe Marketing, ce qui souligne l'importance de l'appartenance à des communautés à part entière et émancipées de toute idéologie, ce à quoi l'apport philosophique de la fractalité peut répondre. Mais c'est une autre histoire...

Ca veut dire quoi "Quid" ?

Locution latine qui signifie "quoi". 

Je reviens du FOSDEM (mon premier) et il est vrai que ce qui m'a un peu choquée au début et le côté austère et cliché de l'évènement. Si tu n'es comme moi ni dév, ni là pour faire ta promo/com de produit ou trop peu informaticienne, tu te demandes un peu ce que tu fais là (d'un autre côté c'est aussi un peu ma faute :D). Point notable : les seuls stands où figuraient une population à presque parité H/F étaient les stands orientés culture (du) libre et les infodesk. Tout le reste, et bien... cliché ?

En tant que pure et simple utilisatrice libriste, il m'a quand même fallu quelques heures pour faire mon trou et nouer le contact avec des gens sur les stands pour parler d'autre chose que de goodies, heureusement que je n'y étais pas venue seule.

J'ai trouvé dommage également qu'il n'y ait pas eu plus de tribunes données à des projets concrets autour de l'open source et du libre, ce qui peut être un vrai plus pour l'accessibilité et l'ouverture. Ca parle bien plus aux gens d'aborder en premier lieu la forme attrayante (mais non moins tout aussi utile) que le fond très théorique bien trop sur-représenté ici. Après, je suis consciente que ce genre d'évènement cible les dév avant tout mais on ne peut pas vouloir de l'ouverture du discours et promouvoir l'inverse dans ses actes.

Après je retire une très bonne expérience tout de même de ce genre de sortie et de celle-ci en particulier, mais en y repensant je pense la devoir surtout à ma curiosité d'apprendre et à une certaine patience et sens de l'improvisation plutôt qu'à une accessibilité d'ouverture de la part de l'organisation.

Enfin, tout ceci ne reste que mon avis purement personnel qui ne vaut pas plus qu'un autre :)

Je suis assez d'accord avec toi mais personnellement je fais mon trou en quelques minutes, il ne faut pas que ça devienne une obsession.

"de petites stars qui souhaitent protéger leur pré-carré, sans jamais se remettre en question, qui font la morale à coups de billets de blog"

Exactement comme cet article, en fait.

Je n'ai jamais eu la prétention d'être meilleure que les autres ni d'être exempte des défauts que je souligne aussi. 

La communauté libriste manque d'empathie (autrement dit de femmes), c'est de leur inclusion que viendra la maturité.

Si le salut de la communauté du logiciel libre vient des femmes et de leur inclusion, on est pas sorti du sablE.

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