PRISM, la sécurité et le terrorisme

*Les lignes qui suivent s’inspirent d’une interview de Bruce Scheier de chez BT, parue sur IDGE.se, agrémentées de réflexions personnelles.*

En soi, PRISM n’est pas une réelle découverte pour celles et ceux qui suivent un minimum l’actualité, ce n’est qu’un avatar parmi tant d’autres de vastes programmes de surveillance intérieure et extérieure, mis en place par des Etats, en apparence, soucieux de préserver une forme de sécurité. Certains optimistes ont parlé d’une potentielle prise de conscience des personnes, qui vont enfin comprendre que les GAFAM ne leur veulent pas que du bien, même si leur slogan est « Don’t be evil ». Mais sur le fond ?

La dangereuse confusion entre la sécurité et la sûreté

En droit, on parle rarement de sécurité mais plutôt de sûreté, surtout lorsqu’il s’agit de personnes. La sûreté est l’une des qualités essentielles d’un Etat démocratique. C’est ce qui fait qu’un individu ne peut être arbitrairement arrêté, arbitrairement jugé, arbitrairement dépossédé. Elle est le corollaire indispensable d’un Etat de droit, à qui il revient de s’assurer que ses citoyens ne sont pas dans une posture les mettant en danger. Par abus de langage, on parle souvent de sécurité et c’est l’un des arguments pour violer la sûreté des personnes. Nous violons votre sûreté au nom de la sécurité. Nous vous surveillons pour vous protéger.  Cette forme de glissement sémantique est loin d’être innocente car elle permet d’en opérer un autre et d’associer le terme de sécurité à celui de protection, comme avec la vidéo-surveillance qui s’est muée en vidéo-protection.

Mais comment croire qu’une institution – quelle qu’elle soit – puisse assurer la sûreté d’une Nation, si elle n’est déjà pas capable d’assurer sa propre sécurité ?

L’ennemi vient souvent de l’intérieur

On a tendance à oublier que PRISM a été révélé au grand public par une personne de l’intérieur, indirectement affiliée à une agence de sécurité. Ainsi, l’organisme chargé de surveiller les activités délictueuses des personnes hors du territoire américain, semble avoir été incapable de vérifier avec qui elle cocontractait.  Douce ironie. N’est-ce pas la démonstration que la majorité des menaces – peu importe les menaces – viennent souvent de l’intérieur ? Si on prend l’exemple des attentats de 1995 à Oklahoma City, le terroriste était Américain. Si on prend l’exemple de Colombine, les deux adolescents étaient des Américains pur jus. Si on prend l’exemple du 11 septembre, les terroristes avaient été formés par les agences américaines elles-mêmes. Lorsque l’on retrace l’histoire des grandes attaques terroristes et autres coups d’Etat, on se rend compte qu’une bonne partie des menaces provient de l’intérieur et non de l’extérieur. Et pour cause : pour détruire une entité, il faut la connaître et donc en faire partie.

L’ennemi a toujours un temps d’avance

Il est toujours délicieux de constater que les autorités ont toujours une sorte d’image d’Epinal à servir au peuple pour l’effrayer. La peur est un sentiment puissant. Sous son impulsion, on est prêt à accepter à peu près n’importe quoi. Les autorités l’ont bien compris alors elles ressortent de leurs boîtes leurs différentes figures de croque-mitaines, au gré de leurs besoins. En France, c’est l’image du pédophile. Aux Etats-Unis, le terroriste. En Allemagne, l’extrémiste. Les paramètres peuvent varier en fonction de la culture, des circonstances et de l’histoire mais les traits communs sont bien là. Pourtant, le véritable ennemi a toujours un temps d’avance. Tous les programmes de surveillance n’y changeront rien, il y aura toujours un grain de sable dans les rouages, faisant que l’attaque se produira quand même. Certains faits peuvent être anticipés. Mais la plupart ne le sont pas. Aucune entité, aucun programme de surveillance ne seront capables de tout arrêter avant qu’il ne soit trop tard. Alors pourquoi accepter quelque chose qui est vouée à l’échec ? Si ce programme de surveillance était efficace, pourquoi ne pas l’avoir révélé ?

Une question de responsabilité

A échelle individuelle, il nous appartient de prendre nos responsabilités. Elle se matérialise par le refus de la peur bien marketée et par le rejet de certains idiomes tels que « je n’ai rien à cacher ». Elle passe par le refus d’utilisation de certains services ou du moins, une utilisation mesurée et par le recours à certaines pratiques. Pourquoi se cacher si justement nous n’avons rien à cacher ? Cette formule est à peu près aussi pertinente que celle qui consiste à refuser l’assistance d’un avocat lors d’une garde-à-vue parce que l’on n’a rien à se reprocher. On trouvera toujours quelque chose à vous reprocher. Aujourd’hui, c’est un programme de surveillance mis en place par l’Etat. Demain, ce sera un système anticipant le moindre de vos faits et gestes, qui pourront être utilisés contre vous par un employeur, une société commerciale, une banque, une assurance. A nous de voir si nous voulons être esclave d’une machine. 

Commentaires

Ton article me rappelle un passage d'un jeu vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=1b-bijO3uEw

C'est la folie, cet article est tellement révélateur que ça me fait penser aux religions d'antan et d'aujourd'hui, sauf que les moyens d'aujourd'hui sont plus invasif qu'autrefois. Ca fait plus de 5 ans que je ne regarde plus la télévision, le journal télévisé, les films (qui dure moins longtemps que toutes les publicités qu'on nous bombarde...) et je me porte très bien, je reste informé (oui je chreche les informations dont j'ai besoin par moi même et je n'ai pas besoin qu'on me les apportent avec une grosse pointe de terreur dedans). Le journalisme c'est du marketing. J'ai beau expliquer à mon entourage ce qu'il y a dans cet article et le résultat est toujours le même: " je n’ai rien à cacher ".
*humour: si je devais créer l'enfer, ces personnes y seraient les premières invitées :p

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