Hackathon, piège à cons

Initialement, les hackathons étaient de sympathiques marathons de développeurs, afin de contribuer à améliorer les systèmes, pour des organisations non-gouvernementales, des projets associatifs, etc. mais depuis plusieurs années, ce système collaboratif et bénévole, a été vidé de sa substance par des prédateurs, qui ne souhaitent pas rémunérer les techniciens.

Au commencement était un projet, que ses concepteurs souhaitaient améliorer. Alors ils organisent une sorte de marathon du code, ouverts à toutes les bonnes volontés. Il était largement admis qu’il s’agissait de bénévolat pur et dur mais ce bénévolat était également largement accepté et acceptable car les projets concernés par ce type d’évènement étaient à but non-lucratif. Dans la mesure de leurs moyens, les organisateurs fournissaient repas et boissons et tout se faisait – à peu près – dans la joie et la bonne humeur.

Mais les grandes entreprises et les administrations se sont engouffrées dans cette brèche pour encore une fois la pervertir, comme à chaque fois qu’elles mettent leurs mains sur de l’informatique. Aujourd’hui, on voit fleurir des hackathons pour le compte de l’État, avec inscriptions obligatoires et vérifications de votre personne ou pour des entreprises privées, parfois cotées au CAC 40.

Qu’on ne s’y trompe pas : ces hackathons sont des pièges à cons et je m’excuse pour la vulgarité du propos. Sous couvert d’organiser un évènement populaire, ces structures réalisent une économie substantielle. Au lieu d’embaucher ou même de faire appel à des freelances, elles utilisent du temps de cerveau gratuitement, de personnes qui ont besoin de se faire la main, sans rémunération ni réelle contrepartie, si ce n’est de la bière et de la pizza. Si, en tant que technicien, vous ne valez pas plus qu’une bière et une pizza, vous faites un bien vilain métier.

Il est bien évident que des débutants ont besoin de se faire la main, tout le monde est passé par là et cela vaut dans toutes les professions. Mais demander à des personnes d’œuvrer quasiment sans interruption pendant 48 h ou 72 h, sur un projet gouvernemental ou privé, sans les rémunérer ni les gratifier, cela s’appelle du travail dissimulé et quand on voit le nombre de hackathons qui fleurissent chaque semaine, on se demande sincèrement pourquoi l’URSSAF ne met pas son nez dedans.

En effet, à partir du moment où quelqu’un vous impose un lieu d’exercice, une mission, un délai et des instructions, cela peut relever du contrat de travail et qui dit contrat de travail dit salaire. Autant, dans le cadre des organisations non gouvernementales, cela peut tout à fait s’apparenter à du bénévolat et il n’y a pas matière à polémique, autant quand il s’agit de Cap Gemini, dont le chiffre d’affaires est conséquent, il est possible de supposer qu’un budget pour du développement puisse être débloqué, sans difficulté majeure.

Dans le cas des administrations et encore plus dans le secteur militaire et policier, les hackathons sont non seulement un manque de respect pour les techniciens, mais aussi pour les militaires et les policiers. L’État français est-il à ce point proche de la banqueroute qu’il ait besoin de recourir à de la main-d’œuvre gratuite pour assurer la sécurité des citoyens ? Il n’existe donc pas ou plus de petites entreprises de confiance avec lesquelles travailler et prospecter pour développer des solutions intelligentes ?

À n’en point douter, prétextant se montrer « techniquement bienveillant », certaines autorités jouent la carte de la prédation sur le numérique et l’informatique, car ce temps de cerveau consacré à des projets qui auraient dû être rémunérés est détourné, au détriment de véritables projets libres, associatifs et socialement intéressants.

Ami(e)s technicien(ne)s, arrêtez de vous compromettre dans les manifestations de ce type, vous valez mieux qu’une pizza.

Image d'illustration extraite de Deviant Art

Commentaires

Merci pour ce franc billet qui résumé bien ce que je pense de ces hackatons qui se multiplient, un peu pour n'importe qui et n'importe quoi.

Avec plaisir, C'est justement parce que les hackathons se multplient pour tout et n'importe quoi, que l'esprit d'origine a été dénaturé que je me suis permise une envolée lyrique.

Entièrement d'accord avec les propos tenus, et au delà de l'aspect réglementaire du travail dans lequel l'ursaff ferait bien de fourrer son nez, il y a aussi l'aspect prédation intellectuel.
Combien de participant se font voler leurs idées en passant par les hackatons avec des promesses de développement et d'investissement non tenu pour se retrouver quelque mois plus tard avec l'organisateur qui sort une solution brevetée similaire...

Attention donc aussi au miroir aux alouettes, si c'est gratuit c'est que c'est toi le produit.
Un retour d’expérience des spoliés des hackatons serait bienvenu.

C'est une bonne question de savoir combien de techniciens se sont vus promettre motns et merveilles lors des hackathons, pour au final, se retrouver le bec dans l'eau.

Ça fait vraiment du bien de lire ce que l'on pense et qu'on n'a pas forcement su mettre en mots ou eu le temps d'écrire. Mille mercis

Je t'en prie, c'était avec grand plaisir :)

Entièrement en phase avec les propos. Merci pour l'article.

Merci :)

J'ajouterais à la phrase : "cela peut relever du contrat de travail et qui dit contrat de travail dit salaire", et qui dit salaire, dit cotisation retraite, dit congés payés, dit droit au chômage, même pour 72h de travail, ça compte presque plus que la rémunération nette visible.

Disons que c'était implicite mais c'est bien aussi de le rappeler :)

Quand je pense à ceux qui vont se faire exploiter pendant le FIC 2017 ;)

La prise de conscience doit être des deux côtés : ceux qui organisent mais aussi ceux qui participent. Libre à chacun de faire ce qu'il veut mais que les gens qui participent à ce type d'événements, en dehors des projets caritatifs, se rendent compte qu'ils participent à un nivellement par le bas de leurs compétences.

J'ai participé à la conception de trois hackathons en 2016 pour mon ministère (environnement) (#HackCompteur, #Hackbiodiv et #Hackrisques) et demain on part sur #HackUrba. Il y avait des prix de 3000€, 2000€ et 1000€ plus une place dans l'incubateur du ministère, plus d'autres bricoles. J'ai lu ce matin que le ministère des affaires étrangères dotait son prochain hackathon de 10 000€ de pris (1er prix : 6000€).

Bref, d'un part ce n'est pas tout à fait juste pour jouer, c'est un concours avec des prix en vrai argent qui retourne beaucoup vers de l'associatif. D'autre part, pour ceux qui peuvent il y a la possibilité de se lancer en production. Un des lauréats de HackRisques, étudiant en 3ème année à l'ENSG, fera son stage sur le développement du projet puis sera incubé dans l'incubateur de Météo-France.

Après, c'est vrai que voir l'Etat organiser jusqu'à trois hackathons dans une semaine est assez... étrange, et que la plupart du temps il n'y a pas de code produit mais juste des diapositives avec des idées souvent bonnes. Et oui, contrairement aux concours d'architectes dans le temps, la participation n'est pas rémunérée.

Mais au moins les grands décideurs apprennent qu'il existe un machin qu'on appelle le numérique et que c'est intéressant. Et puis, faire du collaboratif et ouvrir la fenêtre change de la bureaucratie que l'on nous reproche souvent (à juste titre), ça a aussi de la valeur, même pour ceux qu'on nourrit de fraises tagada.

Nous avons décidé de faire un effort sur la suite (le jour d'après le hackathon) pour valoriser les lauréats. On a aussi modifié la dernière fois le règlement du hackathon pour protéger ceux qui se lancent.
Voilà : on n'est pas parfait, mais on apprends.

Que vous défendiez votre chapelle, c'est logique mais avec les budgets alloués aux Ministères, si vous n'avez pas les ressources pour rémunérer réellement et pas en clopinettes des professionnels, vous nivellez le niveau par le bas. 

Vous pouvez vous donner bonne conscience si vous le voulez, en vous disant que vous faites oeuvre de pédagogie et d'ouverture mais la seule chose que vous faites réellement, ce sont des opérations de communications, sur le dos des techniciens.

 

6000€ pour 48h de travail (= plus de 6 jours pour un salarié normal) commencerait presque à ne pas ressembler à de l'exploitation. Ah... sauf que c'est pour une équipe entière (combien de personnes?). Ah... et juste celle qui "gagne". Oh... et sans les avantages d'un salarié. Par curiosité, combien de personnes ont participé sans rien avoir en retour à part un "merci"?

Désolé, mais vous rentrez à 100% dans la case "prédateurs" pour moi, surtout si vous en organisez autant que ça, et à cette fréquence. Bordel... si même un ministère ne peut plus embaucher pour faire son travail et se sent obligé d'avoir recours à une nouvelle forme d'exploitation...

Et voilà. C'est bien gentil de parler des prix et des gagnants mais ceux qui ne gagnent pas, ont bossé pour des prunes.

Bonjour
Si je suis d'accord à la fin de la lecture, je ne peux que contester l'introduction qui prêterait à croire que tous les hackathons sont pourris.
Il existe encore des hackathons organisés par des structures indépendantes qui ont des valeurs à défendre.
Alors oui c'est bien d'alerter sur le travail dissimulé qui se cache derrière les hackathons de sociétés, il est très discutable d'en faire un amalgame.
:)

Je suis assez d'accord avec cet article. Cependant, en tant que travailleur du secteur culturel, je dois bien constater que ce genres d'initiatives permettent également de faire évoluer les choses de l'intérieur. Avec la lourdeur administrative qui pèse sur les différents acteurs du secteur, il faut leur accorder que c'est un moyen efficl'innovation a du mal à trouver une oreille attentive.
Et quand bien même j'entends la critique pour les entreprises privées, c'est aussi sous la facette citoyenne et participative qu'on peut envisager

Ce qu'il fallait dire et tu l'as bien dit. Bravo Tris

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