La neutralité du Net pour les nuls

*Ceci est un article initialement publié sur mon ancien blog : crise-de-foi.*

Que vous soyez sur Twitter ou que vous lisiez les quotidiens, vous avez sûrement entendu ou lu ce terme de « neutralité du Net » sans pour autant peut-être comprendre ce que cela voulait dire. Ayant assisté à la fois aux interventions qui ont lieu sur Pas Sage En Seine et au débat auquel je me suis conviée à l’Assemblée Nationale, je vais tenter de vous expliquer au moins les grandes lignes.

Petit point de vocabulaire : nous parlons d’Internet ou de Net pas de Web puisque le Web est une application d’Internet.

Qu’est que la neutralité du Net ? C’est dire qu’un paquet, un message va aller du point A au point B sans que qui que ce soit ne regarde le contenu du paquet ou du message. De la même manière que le postier ne doit pas regarder ce que vous écrivez à votre grand-mère dans votre lettre, un opérateur, un fournisseur, un Etat, une entreprise ne devrait pas avoir à regarder ce que contient le paquet que vous envoyez vers le point B. Cela relève du secret des correspondance, secret qui s’inscrit lui-même dans le respect de la vie privée. L’un des intervenants de vendredi avait eu cette phrase magnifique qui a fait le tour de Twitter : tous les paquets naissent, vivent et meurent libres et égaux en droit.

Quels sont les enjeux de la neutralité du Net ? Derrière cette notion qui a l’air finalement peu compliquée, il y a des enjeux techniques, économiques, sociaux, juridiques et culturels.

Les enjeux techniques de la neutralité du Net sont assez simples : le fait de faire aller un paquet d’un point A à un point B sans regarder ce que contient le paquet implique que les flux dont disposent les internautes soient tous de quantité et de qualité égale. Or, la fracture numérique technique et sociale, point que j’avais abordé précédemment, nous montre bien que cela n’est pas le cas. On pourrait prétendre à une réelle application de la neutralité du Net à partir du moment où l’utilisation de la fibre sera démocratisée.
Qui dit flux égaux en quantité et en qualité implique également d’améliorer les flux sur l’Internet mobile et de faire sauter les connexions bridées.

Mais il n’y a pas que des enjeux techniques à la neutralité du Net, qui ne sont finalement que des introductions à des questions de communication. En effet, cela implique de réduire la fracture numérique afin que certains Etats soient mieux connectés, je pense notamment à l’Afrique qui reste pour le moment, le continent le moins connecté mais également de réunir des sociétés aux profils et aux nationalités parfois antagonistes et à s’entendre sur ce type de questions.

En termes économiques, la neutralité du Net est finalement une expression de la libre-concurrence et de l’économie de marché dans la mesure où cela implique aussi que des acteurs techniques puissent faire leur entrée et proposer leurs services sans pour autant qu’un espèce de ticket d’entrée ne leur soit proposé. Cela implique pour un consommateur de choisir librement son fournisseur d’accès à Internet et de pouvoir s’en séparer quand il le souhaitera voire même de monter son propre réseau, ainsi que cela a été brillamment expliqué pendant Pas Sage En Seine. Alexandre Archambault, qui était présent à l’Assemblée Nationale pour le débat sur ce sujet, avait assez justement énoncé que préserver la neutralité du Net était finalement préserver la libre-concurrence et que n’importe quel opérateur qui foulerait la neutralité du Net ne pourrait pas réussir à moyen ou long terme.

Du point de vue social, on assiste à un épanouissement des activités numériques au sein des famille, voire même à la création d’un patrimoine familial numérique, faisant qu’Internet se trouve au cœur de la vie familiale mais cela impliquant également des besoins en bande passante qui soit corrélée à ces nouveaux besoins.

Or, la question épineuse que pose la neutralité du Net est celle de la protection des publics vulnérables ou plus exactement celle du filtrage. Il est vrai que de la même manière qu’on ne laisse pas un enfant devant la télévision regarder des films violents ou pornographiques, on ne le laisse pas devant un ordinateur, sur lequel, via Internet, il serait susceptible de trouver ce type de contenus. Mais commencer à filtrer les contenus viole la neutralité du Net, du moins si ce filtrage est le fait des autorités ou des fournisseurs d’accès à Internet. C’est aux parents de procéder à ce travail et de sa familiariser avec les outils des NTIC.
Par ailleurs, le filtrage coûte relativement cher, pour un système finalement peu efficace. J’aime dire que lorsque l’on me parle de filtrage du Net, je sors ma crypto-anarchie.
Cela revient donc à dire que l’on doit éduquer, être pédagogue mais pas uniquement répressif et qu’il n’appartient ni aux autorités ni aux fournisseurs d’accès à Internet de procéder à un quelconque filtrage. En effet, certains contenus peuvent être jugés violents ou pornographiques pour certaines personnes mais pas pour d’autres. Exemple IRL : la fameuse exposition à l'Hôtel de Ville de Paris montrant des jeunes dans des situations assez trash. Certains trouvaient cette exposition indécente d’autres l’ont vivement plébiscité. Tout est une question de point de vue, qu’un opérateur technique n’a pas à imposer.

En cela, Internet responsabilise les internautes car c’est à eux de faire les choix qui leur semblent pertinents. C’est donc dire que la neutralité du Net s’inscrit dans une logique démocratique dans la mesure où elle permet également de renforcer la vie associative et politique, où chacun peut s’exprimer, quitte à dire des sottises. Mais entre ne pas dire de sottises parce que l’on sait que ça en est et ne pas pouvoir les dire, il y a un fossé.

Enfin, la neutralité du Net présente un enjeu culturel dans la mesure où elle permet d’avoir accès à la culture de manière large, même s’il s’agit d’une culture de masse car cette culture est un point de départ pour l’innovation. La neutralité du Net c’est aussi le fait de pouvoir innover sans permission et donc la création de « contre-culture ».

La neutralité du Net est finalement une manière de dire qu’Internet doit rester quelque chose de non-discriminatoire.

Vous pouvez lire le rapport d'information sur la neutralité de l'Internet et des réseaux déposé par Mme Corinne Erhel et Mme Laure De La Raudière en PDF en ligne.

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