Le CNNum 2.0 : la fumisterie dans toute sa splendeur

Ce matin était dévoilée la liste des trente nouveaux membres du Conseil National Numérique, dit CNNum, institution consultative créée initialement par Nicolas Sarkozy, en vue d’obtenir un avis éclairé, réaliste et pragmatique sur les questions du numérique.

Après l’élection de François Hollande, Fleur Pellerin avait nommé de façon quelque peu arbitraire et indélicate, Jean-Baptiste Souffron au poste de secrétaire général, afin de remplacer Benoît Tabaka, parti stroumpfer chez Google France. Cette nomination n’avait pas plu aux anciens membres du CNNum, qui n’avaient été ni consulté ni averti et qui avaient presque tous donné leur démission au nouveau Président de la République. A charge pour Mme Pellerin de trouver des remplaçants.

La liste est donc parue ce matin et elle est décevante : à l’exception de Tristan Nitot, président de Mozilla Europe, qui est un « vrai » technicien, qui sait comment fonctionner les Internets et Ludovic Blecher, qui risque de se sentir bien seul pour représenter la presse,  les autres membres sont surtout des lobbyistes, venus défendre les intérêts de leur paroisse.

En effet, on retrouve Orange qui commence à faire un peu trop mal parler de lui pour des questions d’éthique et qui est le seul opérateur représenté avec deux membres, on retrouve La Poste dont on sait que la technologie n’est pas nécessairement son fort, on retrouve des banques et des assurances, en bref, des personnes pour qui numérique ne rime qu’avec fric.

Mais on retrouve également ce que l’on appelle communément des think tank, c’est-à-dire des espèces de groupes de travail dont le principal but est d’imposer un point de vue aux différents dirigeants, groupes de travail bizarrement composés de façon quasi-exclusive de technocrates ayant tous fait leurs études dans nos chères grandes écoles Françaises. Pour avoir eu l’occasion d’en écouter et côtoyer quelques-uns, ils m’ont semblé assez éloignés des réalités de notre monde de barbus.

Là où cette liste devient encore plus intéressante, c’est dans sa composition « culturelle » : des personnes travaillant pour l’édition, le film, le jeu vidéo, la musique. Est-ce pour être sûre que le nouveau CNNum serait favorable à des propositions de dispositions favorisant les contenus culturels numérique que Fleur Pellerin a nommé des personnes haut placées dans différents groupes (Hachette, Ubisoft, etc.) ? On peut s’interroger sur la neutralité dont pourrait faire preuve certains membres en face de propositions qui forceraient leurs employeurs à changer de business-model. Mais s’il s’agissait d’avoir le soutien de personnes gravitant dans l’industrie culturelle numérique, pourquoi ne pas plutôt soutenir l’institution qui a été – à son corps défendant – chargée de le faire, j’ai nommé l’Hadopi ? Est-ce parce que cette autorité administrative indépendante, clairement détestée et moquée des internautes, fait tampon entre ces derniers et les ayants-droits, dont certains ne rêvent que de la supprimer ?

Et puisqu’on en est à parler de l’Hadopi, si vous êtes attentif à la lecture de la liste, un nom n’a pas pu vous échapper, j’ai nommé Nathalie Sonnac. L’ancienne experte des Labs Hadopi, qui collabore aussi très régulièrement avec le CSPLA, est maintenant membre du CNNum. L’histoire ne dit pas si elle continuera à œuvrer au CSPLA ni si elle laissera une trace un peu plus nette au CNNum mais reconnaissons-lui au moins deux qualités : celle d’être devenue experte du recyclage d’institution et celle de vivre sur les deniers de l’Etat. Ajoutons également qu’elle s’était faite remarquer du temps des Labs pour certaines tribunes prônant la fusion de l’Hadopi avec certaines autres institutions publiques. Je suis toujours admirative des personnes capables de scier la branche sur laquelle ils sont assis. Et quitte à recycler d’anciens experts des Labs de l’Hadopi, j’aurais clairement préféré Jean-Michel Planche, qui lui sait comment fonctionne Internet.

Que retenir du nouveau CNNum ? Au risque d’être franchement désagréable : rien. Non pas que j’avais placé des espoirs particuliers dans ce nouveau panel mais Fleur Pellerin a malheureusement montré qu’elle ne savait pas sortir de sa zone en confort en ne nommant que des personnes qui lui étaient familières, soit par la carrière, soit par la pensée. 

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