Surveiller les infiltré(e)s grâce à Bercy

L’une des expressions que les Français ont le plus souvent entendues ces derniers jours est « fiche S ». Le S signifie atteinte à la sûreté de l’Etat et fait partie des nombreux fichiers de l’Etat. Il y aurait entre 5000 et 10 000 personnes fichées S, pas nécessairement toutes en France. Le problème de ce fichier est qu’il repose sur des critères assez aléatoires et qu’il ne paraît pas tenir compte de la dangerosité des personnes. Un militant écologiste, un opposant à Notre-Dame-Des-Landes ou un individu radicalisé sont logés à la même enseigne. Mais il existe un autre fichier, moins connu, le fichier des signalés pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste, qui a été créé par décret n°2015-252 du 4 mars 2015, modifiant un décret de 2007, qui listerait 11 400 individus, dont 25% de femmes et 16% de personnes mineures.

Il est évident qu’il serait inutile de placer ces personnes en rétention administrative ou de les assigner à résidence ou de leur faire porter un bracelet électronique dans la mesure où ces personnes ne savent pas qu’elles sont fichées comme signalées. Par ailleurs, le dit fichier ne concerne pas que les radicaux en lien avec l’Etat Islamique. A partir de là, que faire ?

Avant d’être des individus radicalisés, ce sont surtout des personnes qui doivent se nourrir, payer des factures, se déplacer et gagner leur vie. Contrairement à la croyance populaire, toutes ne sont pas allocataires des minimas sociaux et il y a même des chances pour qu’elles soient intégrées à la société car l’organisation terroriste les invite à se fondre dans la masse. Mais si on veut tout savoir d’une personne, il suffit de regarder ses mouvements bancaires.

Aujourd’hui, nous faisons presque tout par carte bancaire, sauf les tous petits achats de quelques euros et encore et en combinant les informations bancaires avec les informations d’une carte de transports en commun, il peut devenir assez facile de comprendre ce qu’une personne fait de ses journées.

Pourquoi Bercy – au sens de Ministère des Finances – et pas Beauvau ? Tout simplement parce que Bercy est l’administration la plus puissante de France. Vous ne pouvez pas soulever un crayon dans une administration locale si Bercy n’a pas donné son aval. Au-delà de cette caricature totalement assumée, il faut savoir qu’après chaque élection présidentielle, le directeur des services de Bercy remet au Ministre des finances un document compilant l’ensemble des réformes faisables ou non ainsi que l’état général de la France. Signe que les choses commencent à devenir sérieuses, le ministre des Finances Michel Sapin a adressé une note rappelant les obligations de vigilance et de déclaration de soupçon aux organismes financiers et de nouvelles lignes directrices conjointement écrites par l’ Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et TRACFIN vont prochainement être diffusées.   

Preuve supplémentaire de la puissance de Bercy, lorsque Nicolas Sarkozy était président de la République, lors de sa dernière année de mandat, il avait expressément demandé que des agents de Bercy soit détachés dans certaines zones spécifiques afin de détecter les flux financiers de certains trafiquants et de les assécher financièrement. Malgré son insistance, la mesure ne fut jamais appliquée, les agents concernés ayant – semble-t-il – fait de la résistance et ayant refusé d’être envoyés dans les dites zones.

On vient de voir quatre mesures concrètes, plus ou moins aisées à mettre en place, nécessitant plus ou moins de coopération entre Etats et/ou entre services. Mais il reste certaines questions qui n’ont pas de réponses au moment où j’écris ces lignes.

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