Royaume-Uni, surveillance et citoyen : l’exemple de l’entente cordiale

Les Britanniques ne sont pas à une contradiction près. Fiers d’avoir tout au long de l’Histoire – épisode de la Seconde Guerre Mondiale mis à part – refuser l’obligation de la carte d’identité nationale, au nom de l’Habeas Corpus, ils acceptent néanmoins de vivre comme les participants d’une émission de TV-réalité : avec des caméras scrutant leurs moindres faits et gestes.

Autant accroc à la vidéo-surveillance car leurs pintes de bières du vendredi soir, les Britanniques sont passés maîtres dans l’art d’observer ce que fait le voisin. Non seulement les tabloïds possèdent un numéro vert, permettant de les joindre pour leur raconter toutes les histoires les plus juteuses et les plus sordides (cf : le scandale NOTW), non seulement le Royaume-Uni possède le plus grand fichier ADN au monde, puisque 5% de sa population y est inscrit mais en plus, on peut gagner de l’argent en espionnant ces voisins.

Les CCTV (Closed Circuit Television) sont éparpillés un peu partout sur le territoire de la couronne britannique, tant est si bien qu’un Londonien peut être filmé en moyenne 300 fois en une journée. Mais, en 2008, un officier de police a pointé du doigt la faiblesse de ce système : un équipement coûteux et un personnel insuffisamment qualifiant, donnant donc de piètres résultats

Qu’à cela ne tienne, le changement arrive en 2009.

Le service Internet Eyes a fait ce constat époustouflant : les caméras de vidéo-surveillance ne servent à rien si personne ne regarde.  Il a donc été décidé de créer une sorte de réseau social de la surveillance vidéo. But du jeu ? Vous inscrivez votre commerce, vous calibrez la demande en fonction de vos besoins et une communauté de surveillants virtuels regarde que vous ne vous fassiez pas cambrioler. Ils peuvent en effet déclencher une alerte. Cerise sur le gâteau, selon Internet Eyes, les internautes-surveillants peuvent empocher jusqu’à 1 200€ (1 000£) par mois en jouant les voyeurs.  Ce service est tellement lucratif – même en rémunérant les internautes – qu’il s’est étendu dans plusieurs pays. Ainsi, en tant que citoyen de l’Union Européenne, il est possible de s’inscrire sur ce réseau social et même de parrainer d’autres membres. 

Mais ce système peut s’avérer relativement pervers. Tout d’abord, cela encourage le système de surveillance, avec la participation active des citoyens, sans pour autant que la criminalité n’en soit durablement et sensiblement impactée. En effet, les internautes n’étant pas des policiers, ils ne peuvent que se contenter de donner une alerte au commerçant, qui devra lui-même avertir la police. Conclusion, la baisse de criminalité n’a été que de 5%. 

Il ne semble pas y avoir de chiffres sur l’efficacité – réelle ou supposée – de ce réseau social. 

Le second aspect pervers est relatif à la vie privée. Si aujourd’hui le réseau social Internet Eyes ne s’intéresse qu’aux commerces et aux entreprises, il n’est pas interdit de penser qu’une prestation couvrant le domicile pourrait voir le jour, surtout si aucun texte légal ne vient s’y opposer. A partir de là, on prend le risque de ne plus avoir de vie privée puisqu’il a été avéré qu’une caméra qui avait été éteinte, peut être rallumée à distance et continuer à streamer.   

Ajouter un commentaire