Lutter contre le revenge porn grâce à l’OSINT
Les lignes qui suivent sont le résultat d’un travail collaboratif, sous l’impulsion de Justin Seitz. Nous sommes plusieurs à travailler ensemble, dont Heartbroken et Nanardon.
L’OSINT est l’acronyme d’Open Source Intelligence. Il s’agit d’un ensemble de techniques d’investigation, permettant de récupérer des informations à partir de sources dites ouvertes. Utilisé en sécurité informatique, dans les enquêtes de police et de journalistes, l’OSINT permet non seulement de récupérer des informations, mais aussi de se protéger contre des gens mal intentionnés.
Les violences contre les personnes, en particulier les violences faites aux femmes, ont augmenté et se sont diversifiées. Harcèlement en ligne, raids numériques, divulgation de données personnelles, photomontages, revenge porn, usurpations d’identité, les faits sont multiples.
Comment réagir si cela vous arrive ? Comment prévenir au maximum la survenance de ces faits ? Notre objectif est de vous fournir un kit clef en main, simple, à la portée technique de toutes les personnes concernées.
Ces kits ne se substituent pas aux associations, aux forces de police, aux avocats ni aux professionnels de santé.
Nous vous croyons.
Vous n’êtes pas responsables de ce qui vous arrive.
Les faits et les situations dont nous allons nous servir pour illustrer nos propos sont tous pénalement et civilement répréhensibles.
Vous n’êtes pas seuls.
Le revenge porn est le fait de partager à l’insu d’une victime, des contenus, à caractère pornographique. Il y a trois hypothèses :
• Le cas où la victime a volontairement envoyé des contenus intimes à une personne, qui l’a diffusé sans consentement ;
• Le cas où la victime a été filmée ou photographiée sans son consentement, dans un moment privé et consenti ;
• Le cas où la personne est victime d’une agression sexuelle et est filmée ou photographiée pendant l’agression.
Les astuces techniques
La première hypothèse est la plus simple à combattre. En effet, la victime possède les contenus. Elle peut donc les utiliser pour vérifier s’ils n’ont pas été diffusés à son insu sur différents canaux. Il existe deux limites : dans certains cas les contenus ne sont accessibles qu’après connexion sur le site (Pinterest par exemple). Il vous faudra peut-être vous créer un compte pour y avoir accès. Cependant, ces contenus peuvent être indexés par les moteurs de recherche. On ne pourra pas non plus trouver les contenus sur des canaux privés : si les photos ou vidéos ont été diffusées sur Telegram, Signal ou WhatsApp, dans la mesure où il s’agit de messagerie, les échanges ne sont pas indexés par les moteurs de recherche ou les outils de surveillance.
Mais, la méthodologie expliquée dans l’article sur les photos et vidéos est parfaitement applicable. Utilisez Yandex et InVid pour faire émerger d’éventuels résultats.
Comment trouver les sites publics où ont pu être publiés des contenus intimes, captés à notre insu ? Si ce moment a été capté chez vous, prenez des photos de votre logement et cherchez sur Yandex ou TinEye si vous arrivez à les retrouver. Essayez de reproduire les conditions dans lesquelles ce moment a pu être capté, notamment l’éclairage.
Autre astuce : les caractéristiques corporelles particulières, par exemple, les tatouages. Faites une photo de vos tatouages et voyez ce qui ressort en faisant l’analyse avec Yandex et InVid. Cela peut aussi être un piercing ou un grain de beauté particulier (forme, emplacement, etc.) ou même un bijou un peu original.
Si vous trouvez des éléments, là encore, vous allez les relever avec la méthode vue dans l’article sur les raids numériques, grâce à Single File ou Fireshot.
La troisième hypothèse est la plus douloureuse et c’est peut-être le seul cas où on conseillera aux victimes de ne pas chercher les contenus. Ce curieux avis a deux raisons : la première est de préserver les victimes et la seconde est de permettre aux forces de police et de gendarmerie d’enquêter. Sachez que le fait de filmer une victime d’agression sexuelle peut être considéré comme une circonstance aggravante en droit français, encore plus si la victime est en état de faiblesse ou mineure. Que faire si en tant qu’internaute, vous trouvez des contenus montrant une agression sexuelle ? Nous vous encourageons vivement à reporter le contenu à PHAROS et à surtout ne pas partager le contenu publiquement.
De la même manière, ne commencez pas à essayer de chercher les agresseurs. Ce n’est pas votre rôle, vous risquez de compliquer le travail des forces de l’ordre et de porter préjudice aux victimes. Contentez-vous de faire les signalements à PHAROS en premier lieu. Vous pouvez également signaler aux différents réseaux sociaux — si vous avez vu le contenu sur un réseau social — le contenu, mais n’allez pas plus loin. Surtout, commencez par signaler les contenus à PHAROS avant de les signaler aux réseaux sociaux ou plateformes, de manière à ce que les autorités de police aient une trace du signalement et des informations utiles.
L’astuce juridique
On avait abordé le sujet dans l’article sur les photos et vidéos. Il faut savoir que dès le début des années 2010, des avocats et juristes américains ont utilisé, avec succès, la notice DMCA pour faire supprimer des contenus de revenge porn. L’argumentation juridique était la suivante : les personnes représentées sont des créatrices de contenus et les contenus ont été partagés, au détriment de leur droit de propriété intellectuelle. Cela a été jugé recevable. Mieux encore, cette argumentation n’est pas propre aux États-Unis ou même aux États dont la tradition juridique est anglo-saxonne. Elle a été utilisée devant les tribunaux allemands.
Peut-elle être utilisée ailleurs ? On vous encourage à le faire, mais aidez-vous d’un avocat, car ce sont des procédures qui peuvent paraître complexes pour des gens qui ne sont pas juristes ou même spécialistes du sujet.
Le cas particulier des mineurs
Sur certains réseaux sociaux, notamment TikTok, de plus en plus de contenus à caractère pornographique, sont partagés. Auprès des plateformes, il faut signaler les contenus, en précisant que le contenu met en scène des personnes mineurs. Les contenus pouvant avoir été produits par des utilisateurs mineurs, s’il n’y a pas d’âge précisé ou s’il y a un soupçon que l’utilisateur est en dessous de la limite d’âge définie par les plateformes, il faut simplement signaler l’utilisateur comme étant mineur. Quoiqu’il en soit, toute diffusion de contenu pornographique mettant en scène des personnes de moins 18 ans est interdite.