Culture du hacking

Une certaine idée du féminisme

Quelques temps déjà que l’on s’entre-tue sur la question de la place de la femme – en particulier chez les Geeks qui n’avaient rien demandé à personne – sans pour autant soulever les réelles problématiques. Le galvaudage du mot féminisme lasse et même si on sort de la thématique principale d’Hackers Republic, autant en profiter pour peut-être donner un point de vue qui n’engage que moi.

Des Geeks qui n’ont rien demandé à personne

Reprenons ce qui a été le déclencheur d’un pseudo-débat : le sexisme avéré ou non des Geeks, sans pour autant que le terme ne soit clairement défini. C’est quoi un Geek ? Un propriétaire d’iPhone ? Une personne qui joue aux jeux vidéo ? Un bidouilleur d’Arduino ? En tout état de cause, le texte de Mar_Lard visait essentiellement les gamers. N’ayant aucune connaissance sur le sujet, je laisse les gamers là où ils sont. Ce qui m’avait fait tiquer avait plus été le sexisme potentiel des hackers.

Bizarrement, c’est l’un des rares domaines où, en tant que femme, on m’a foutu une paix royale. Personne pour me demander quel était mon sexe et celles et ceux que j’ai rencontré plus tard n’ont pas eu de réaction particulière. Ou alors, cela a été tellement anecdotique que je ne m’en souviens plus. Peut-être parce que fondamentalement, on s’en fout. Le sexe, l’appartenance religieuse, la couleur de peau, la longueur des cheveux, l’adoration des petits poneys, les opinions politiques, syndicales, idéologiques ou autres, les (vrais) hackers s’en tapent. Ne compte que le code, que les contributions – peu importe leur nature – c’est la base même d’une certaine éthique.

Si on souhaite être tatillon, à titre personnel, je soulignerais que les seules fois où j’ai dû affronter une certaine forme de sexisme n’étaient pas le fruit de ses messieurs mais d’autres femmes. J’ai toujours trouvé amusant que celles qui se disent féministes colportent des ragots de bas étage et génèrent des conflits là où il n’y avait pas matière à en avoir. Jalousie, frustration, syndrome de l’attention whore aigü, tout cela reste sans intérêt et purement anecdotique. On ne tire pas de faits une généralité, la démarche n’est pas scientifique.

Si on devait vraiment fouiller pour trouver des réactions sexistes, ce n’est pas dans le milieu du hacking qu’on devrait regarder mais dans le milieu de l’InfoSec, domaine dans lequel j’ai pu « subir » quelques insultes bien senties. Je passe au-dessus. J’ignore, je bloque, je ne m’attarde pas. A la rigueur, notamment sur les chans IRC, lorsque quelqu’un fait une plaisanterie un peu vaseuse ou va un peu trop loin, je mets un stop assez sec ou pire, j’enrichis dans les insultes et ceux qui me côtoient URL savent que je peux avoir la langue assez acérée. BTW comme on dit, j’avance tranquillement. Et il faut aussi apprendre à distinguer les blagues de mauvais goût et les véritables insultes.

Au final, tout cela n’est que de l’Internet, que du virtuel, que des pixels qui se courent derrière sur un écran, que l’on peut éteindre à tout moment si on sature. Que l’on arrête de jeter l’opprobre sur les Geeks en s’imaginant qu’ils se doivent d’être plus exemplaires que les autres, ils n’ont pas à l’être, ils restent profondément humains.

Porno et rape culture

Plus récemment, on a vu fleurir sur les réseaux sociaux le hashtag #RapeCulture avec comme focus, l’incitation et la banalisation des violences sexuelles faites aux femmes. Pour le coup, il s’agit d’un problème de fond mais qui ne s’analyse pas en 140 caractères ni même sur un article de blog. Mais je conviens qu’il s’agit d’une véritable problématique à mettre en relation avec la conception occidentale du marketing, du divertissement ainsi qu’avec l’Histoire. Autant dire qu’il y a matière à thèse universitaire.

S’appuyant sur ce problème, les FEMEN ont débarqué, seins en tête, au salon Eropolis dans lequel elles ont fait un happening assez mouvementé, en énonçant de façon assez péremptoire que la pornographie contribuait à la rape culture. Cela me semble réducteur. Je ne dis pas que les films pornographiques ne montrent pas une certaine forme d’extrême. Je dis que cela reste du cinéma et le développement du gonzo va dans ce sens. L’actrice Katsumi ainsi que la réalisatrice Ovidie soulignent toutes. deux que le porno reste du cinéma, qu’il s’agit de performances scéniques et non d’une reproduction de la réalité.

Est-ce que le porno contribue à changer la sexualité des personnes, en particulier, chez les jeunes ? Tout dépend de la consommation. Certaines personnes sont addicts au porno, cela a été démontré. Et si on devait trouver un coupable, misons aussi sur les agences publicitaires. A titre d’exemple, la grande amoureuse de la mode et de la haute-couture que je suis a été passablement dérangée par le dernier clip de Louis Vuitton. Je suis également un peu troublée lorsque je vois qu’à des heures de grande écoute, on nous montre à la télévision certains spots de publicité mettant en scène des femmes nues pour nous faire acheter un fromage. De la même façon, n’importe quel enfant, en allant simplement à l’école, voit des images dont on dit qu’elles sont licencieuses sur les devantures de kiosques à journaux.

On s’imagine qu’en menant la vie dure à l’industrie de la pornographie, on changera les mentalités. Si c’était aussi simple, ça se saurait et ça se serait déjà fait. Le porno existe depuis des centaines d’années. Les archéologues ont trouvé des images licencieuses sur des poteries datant de l’Antiquité Gréco-Romaine. Les écrits du Marquis de Sade sont des chefs d’œuvre de pornographie sadique, longtemps censurés. Et pourtant, ces écrits appartiennent au patrimoine culturel français et tout ce qu’il a écrit n’est pas pornographique loin de là, il suffit de lire le merveilleux Aline et Valcour pour s’en convaincre.

Pour conclure sur le porno, avec le mannequinat, c’est surement l’un des seuls secteurs où les femmes sont mieux payées que les hommes et où elles sont starifiées. Les femmes sont mises en valeur, là où les hommes sont réduits à n’être que des instruments. Je vous encourage à discuter avec certaines actrices et certains acteurs pour vous rendre compte de la réalité de cette industrie. Qu’il soit également clair dans l’esprit de chacun que je parle de la pornographie librement consentie.

Les FEMEN : des guignols avec les seins à l’air

J’en reviens aux FEMEN. Au début, j’étais plutôt bienveillante à leur égard. Je trouvais que leur démarche en Ukraine était très forte et pas inintéressante. Dans les pays de l’Est, faire des happening est difficile, seins nus ou non. Vous pouvez vous référer à Les Pintades à Moscou pour vous en convaincre, une partie du livre est consacrée à la question de la vie politique et associative.

Mais, plus ça va, plus leurs actions me mettent mal à l’aise. Surgir ainsi à Notre-Dame, en dérangeant les croyants me gêne. L’église – tout comme la mosquée, le temple protestant, bouddhiste, la synagogue – sont des lieux de culte, de réflexion spirituelle, de calme. On y va pour y vivre sa foi et c’est quelque chose que l’on se doit de respecter. Je ne suis pas religieuse, je ne suis pas anticléricale non plus. Je respecte les croyances des uns et des autres, quand bien même je ne serais pas d’accord avec.

Concrètement, je ne comprends pas l’action des FEMEN. Et j’ai été soulagée de voir que je n’étais pas la seule femme à ne pas comprendre leur démarche.

Les FEMEN, les articles de blogs, les tweets nerveux, les pseudos-débats sur les chans IRC, etc. Tout cela ne résout pas les véritables problèmes de la violence faite aux femmes en France.  Je mets mon propre texte dans le lot des trucs qui ne servent à rien. Je l’ai écrit pour me « soulager ».

Mon idée du féminisme

Je me dis féministe parce qu’il y a des points que j’estime être urgents et importants de résoudre et voici lesquels :

·         Une égalité de traitement entre les hommes et les femmes à tous les niveaux de la société : salaire, emploi, retraite.

·         Une véritable politique pour les femmes maltraitées. Il est anormal qu’il n’existe pas plus de places dans les foyers pour femmes battues alors que l’on est tout à fait capable de trouver l’argent pour financer des stades ou des évènements. Les collectivités territoriales ont un grand travail à fournir en l’espèce ainsi que nos Ministres.

·         La mise en place de personnes formées pour écouter les femmes dans les commissariats. Trouvez-vous normal que lorsqu’une femme porte plainte pour une agression, elle soit confrontée à quelqu’un qui n’a pas le bagage pour l’écouter ? Parler d’une agression sexuelle est très difficile, très délicat, les discours sont souvent décousus, un peu confus et c’est normal.

·         La création de structures pour les victimes de violences sexuelles notamment dans les quartiers sensibles. Il est monstrueux que les victimes – pour des raisons financières – soient obligées de vivre dans le même quartier que leurs agresseurs.

·         Une véritable éducation – notamment à l’école – sur le respect des personnes dans son ensemble : homme, femme, blanc, noir, chrétien, musulman, juif et montrer aux enfants et aux adolescents que nous sommes tous des êtres humains et que si on ne respecte pas l’autre, on ne se respecte pas soi-même.

·         Une politique de répression exemplaire en matière de trafic d’êtres humains avec une véritable coopération communautaire, européenne et internationale et dans le respect du cadre légal évidemment (cela va sans dire mais on m’a fait remarquer qu’il valait mieux que je précise ma pensée afin d’éviter les amalgames malheureux).

Ce sont des points qui me semblent essentiels et très importants, beaucoup plus que quelques insultes balancées sur Internet et qui mériteraient qu’on s’en occupe beaucoup plus. Lorsque les blogueurs/blogueuses/twittos/FEMEN/ministres et autres trublions s’intéresseront à ces questions et décideront de s’attaquer à ces problématiques de fond, je pense que je serais plus réceptive.

8 réflexions sur “Une certaine idée du féminisme

  • « Étant inclus, homme ou

    « Étant inclus, homme ou femme, dans l’objet que nous nous efforçons d’appréhender, nous avons incorporé, sous la forme de schèmes inconscients de perception et d’appréciation, les structures historiques de l’ordre masculin ; nous risquons donc de recourir, pour penser la domination masculine, à des modes de pensée qui sont eux-mêmes le produit de la domination. » Pierre Bourdieu, La domination masculine, Seuil, 1998, p. 17.

  • J’ai tellement à dire sur le

    J’ai tellement à dire sur le sujet que cela ferait débat, et il serais trop long de débattre du sujet ici.
    Mais depuis quelques année le sexe sort de l’imaginatif dans la tête des gens et est remplacé par ce qu’il vois à longueur de journée en étant bombardé de pub pour des site Y sur les site de warez en particulier.
    Je pense que certain admin devraient se restreindre dans le choix de leurs pub.
    Il n’est pas normal qu’on voie du porno en cherchant à télécharger un dessin animé ou en allant sur des site de jeux pour enfants (cas réel).

  • Tris Acatrinei

    Je ne suis pas sûre de

    Je ne suis pas sûre de comprendre où tu veux en venir 🙂 

  • Tris Acatrinei

    D’accord avec le point que tu

    D’accord avec le point que tu soulèves, qui entre dans le champ de la responsabilité collective. On ne peut pas rejeter la faute, en bloc, sur une seule partie, lorsqu’il s’agit, en réalité, d’une chaîne de responsabilité. 

    Tu me parles des admin, je mettrais aussi dans la balance : 

    – les régies publicitaires,

    – les agences de communications, 

    – les magazines de mode, 

    – les médias. 

    Je pourrais en faire un répertoire à la Prévert 🙂 

  • Sans vouloir entrer dans un

    Sans vouloir entrer dans un débat, je suis d’accord avec le plus gros des points (selon moi) que tu cite : « Une égalité de traitement entre les hommes et les femmes à tous les niveaux de la société : salaire, emploi, retraite. » Il est évident que des progrès sont à faire dans ce sens, autant pour les hommes, que pour les femmes et quand je dit pour les hommes je ne veut pas dire de changer leur vision vis à vis de la femme, mais changer la visions de la société vis à vis des hommes. A titre d’exemple: Un homme au foyer ça n’existe pas ? La différence entre le congé paternité et maternité (l’éducation d’un enfant ne se fait pas uniquement par la maman), je ne vais pas tout citer. Il y a tant de points à aborder: garde des enfants, femme prêtre, « Une véritable politique pour les femmes maltraitées. » des hommes maltraités par des femmes ça existe aussi… Bref je ne sais pas si tout est compréhensible dans mon texte, mais on n’efface pas 2k ans de mœurs en quelques années.

  • Je recentre le sujet sur les

    Je recentre le sujet sur les geeks, plus précisément sur le monde de la sécurité informatique et la place des femmes. Be y’a du boulot !!!

    Il n’y a pas si longtemps j’ai assister à une conférence à l’ESIEA à Panam sur la législation qui entoure le Pentest présentée par une jeune femme, à chacun de deviner qui … Bien que le sujet demande un débat assez poussé, j’ai trouvé la présentation interressante pour une sensibilisation. Cependant, je crains que le fait que l’intervenant ne soit pas masculin n’est pas aidé à atteindre l’objectif pour certains. A côté de moi, j’ai entendu une dizaine de branleurs qui passaient leur temps à critiquer la tenue, les erreurs de prononciation (qui arrivent même au plus talentueux des orateurs) et à rabaisser notre jolie présentatrice en s’imaginant tout un tas de situations sexuelles avec elle, se plaçant en male dominant pour ne pas dire plus. Les propos étaient irrespectueux du travail fournit et de l’initiative offerte de débattre sur un sujet sérieux. J’en ai parlé avec un ami qui m’a dit ceci « Attention, ne te frottes pas à eux, ce sont de vrai tueur en Pentest ! » Peut-être bien mais humainement ce sont surtout de Grosses Merdes, et je ne m’escuse pas pour mes propos, que je sois censuré ou non.

    A celà je répondrai trois choses que je n’ai pas dite ce jour là par respect pour la conférence : nous manquons de points de vue féminins sur le sujet de la sécurité et celà calmerai certains égos sur-dimensionnés, si ces gros nazes l’a fermé un peu celà ne démotiverait pas celles qui auraient envie d’essayer et donc d’avoir encore plus d’intervenantes, ce qui ne déplairait à personne et enfin un grand bravo à celle qui malgrés les bruits de chuchotement et les rires de ces abruties à continuer sa présentation jusqu’au bout.

    Pardon pour les fautes il est 4h du mat, et pour le ton employé, bon courage pour la suite, continue de montrer l’exemple, et fait plein de petites tueuses pour défoncer tous ces gros cons.

    Merci et à bientôt …

  • Tris Acatrinei

    Bonjour et merci pour ton

    Bonjour et merci pour ton commentaire, auquel je vais répondre point par point. 

    Tout d’abord, merci pour ta présence et ton écoute de cette conférence. 

    J’avoue que passé les premières minutes, j’étais assez exaspérée de l’immaturité et de l’irrespect dont faisait preuve le petit troupeau du troisième rang de l’amphi. J’avais 2 solutions : arrêter la conférence ou continuer malgré tout, bien que la première envie se mettait à grandir. 

    Par respect pour ceux qui écoutaient, j’ai continué et je pense avoir eu raison de le faire car ma récompense a été ce jeune garçon d’environ 10-12ans qui est venu me poser des questions intelligentes et pertinentes. C’est à ce type de personnes que je m’adresse et c’est pour ce type de personne que je continue. 

    Je pars également du principe que tout finit par se payer un jour ou l’autre donc je ne m’inquiète pas plus que cela. Néanmoins, la prochaine fois qu’on me propose un talk dans une conférence dans cet établissement, je pense que je refuserais 🙂 

    Merci encore pour ton soutien. 

  • Le mouton dissident

    A mon travail
    Bonjour, je viens de découvrir votre site hier qui franchement est super intéressant. C’est en recherchant une solution pour un problème de Maj Windows 10 que je l’ai découvert. Il me sembler bon de répondre à ce bel écrit sur la question du féminisme et de la place des femmes dans le domaine de l’informatique.

    Je bosse depuis bientôt 8 ans dans la fonction publique en tant que technicien en maintenance informatique et j’ai remarqué plusieurs choses dans mon travail. D’une part qu’il y a peu de femmes qui bossent dans la maintenance informatique et c’est bien dommage, car elles pourraient nous apporter beaucoup de choses à mon avis. Deuxièmement j’ai assisté a du harcèlement moral vis-à-vis d’elles de la part de collègue dont un parti à la retraite à chaque fois qu’une arrivé dans le service où je travaille actuellement. C’est à dire, coup bas, rétention d’informations, petites piques et/ou remarques sexistes quand elle est absente. Les deux que j’ai connus ont malheureusement fini par craquer, l’une a changé de service et l’autre démissionné pour repartir dans le privé. Elles étaient loin d’être parfaite d’un point vu professionnel, mais elles méritent malgré tout le respect. Voilà comment ça se passe de mon côté quand une nouvelle arrive, tout ça pour des raisons de jalousie, de mauvais management et de rancœur, car aucune évolution professionnelle pour un de mes collègues.

    J’ai d’autres propositions pour faire avancer le droit des femmes et ce qui va avec : :

    – Que les femmes puissent devenir enfin prêtres.
    – Donner des cours de séductions et de respect de la femme comme de l’homme gratuitement à celleux qui veulent.
    – Aider et accompagner si besoin les personnes en situation de handicap à séduire, à respecter et bien s’y prendre avec la gent féminine, car ces personnes dont je fais moi-même partie à énormément de mal à se mettre en couple ou avoir de simple relation sexuelle. Si on n’aide et n’accompagne pas ces personnes-là, elle vire mal pour une partie et devient à force de frustration et d’échec de potentiels harceleurs voire plus malgré eux.
    – Aider et médiatiser aussi les hommes victimes de violences féminines.

    Chapeau pour ce texte, ça fait chaud au cœur de voir qu’il n’y a pas que des hommes dans le domaine de l’info.

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